La musique de rue

[Himred]

Sur mon temps libre (oui j'ai un "vrai" travail), je suis musicien et j'adore ça.
J'apprécie bien sûr d'être sur scène car c'est une expérience unique, toutefois ce que je trouve le plus enrichissant c'est faire de la musique de rue.

Jouer dans la rue est une expérience radicalement différente de la scène.
Être artiste de rue, c’est se plonger au cœur de la vie locale.

Partout, on rencontre des personnes sensibles à notre musique, et d’autres plus réticentes.
Pour certains, c’est un partage de notre musicalité et ils nous récompensent s’ils apprécient.
Pour d’autres, nous ne sommes que des mendiants. Tout est question de point de vue car jouer en ville nous expose tout de même à un public non volontaire.

La plupart des gens ne font que passer. Quelques-uns s’arrêtent, regardent, parfois même un attroupement se forme.
Parfois certains dansent en face de nous. Les gens peuvent vraiment danser en pleine rue.
Ne vous êtes-vous jamais dit : « Les gens ne dansent pas comme ça dans la vraie vie » en regardant une comédie musicale ?
Et bien devenez un musicien de rue et vous verrez qu’ils le font vraiment !

Certains adorent ce que nous faisons, mais ne donnent rien, à peine 5% des passants sont généreux.
Certains nous photographient sans demander l’autorisation. On Sourit !
D’autres qui passent en téléphonant font écouter notre musique à leur correspondant.
D’autres sortent une caméra vidéo et enregistrent un ou deux morceaux complets.
Les enfants s’arrêtent souvent pour regarder en demandant à leurs parents le nom des instruments, les réponses sont parfois surprenantes.
Enfin, certains nous demandent un morceau particulier qu’ils aimeraient écouter, on s’exécute avec plaisir.

Nous offrons un véritable service, nous sommes ceux qui participons à l’atmosphère de la ville, qui apportons un peu de chaleur artistique en ces temps moroses.
Mon plus grand plaisir est de faire apparaître un sourire sur un visage fermé qui passe devant nous et cela arrive des centaines de fois par jour.
Hier, une passante s’est arrêtée pour nous dire « Merci, les gars, ca fait du bien en ce moment d’entendre de la musique ».
Pour moi, c’est ça le but de la musique, être partagée pour faire du bien et quel meilleur endroit que la rue pour toucher le cœur des gens ?

Himred

[Dim]

Ça nous arrive de jouer dans la rue, en général avant la saison pour roder un peu le répertoire,
je retrouve ce que tu dis au niveau de l'expérience, par contre je partage un peu moins le goût à ça, déjà parce que, sauf s'il s'agit d'une commande comme un marché de Noël par exemple, on y est rarement attendu, on s'impose un peu, et en général il faut discuter le bout de gras avec les commerçants voisins qui voient ça plutôt d'un mauvais œil parce que EUX ils payent une patente pour être là.
Ensuite il y a la police (municipale, le garde champêtre qui pue, qui pète....), ça ne m'est pas arrivé 50 fois, mais se faire virer manu-militari c'est quand même assez désagréable. (D'ailleurs le titre du disque de Muskar XIII "retourne en Roumanie" ça vient de là, le policier nous a scandé "Si ça ne vous plaît pas, retournez en Roumanie". Un fin perspicace sans aucun doute)
Et puis il y a les gens qui trouvent ça sympa, alors ils veulent vous embaucher pour leur joyeux anniversaire, et là ils pensent qu'ils vont vous avoir pour le montant qui est dans le chapeau et un quignon de pain, ça se corse un peu quand vous leur dites le montant de la presta.

Le moment le plus sympa je trouve c'est quand on a fini et qu'on va dépenser la recette du chapeau au bistro le plus proche

Je préfère la scène, au moins les gens qui sont là ont vraiment envie de nous voir, ils se sont déplacés, ont même peut-être payé pour nous entendre, on est sûr de déranger personne, et ça met un peu plus la pression quand même.

[Himred]

Pour ce qui est des forces de l'ordre, nous on a fait dans les règles, on a une autorisation de la mairie.
Mais oui, ces dernières peuvent être parfois casse couilles (même avec une autorisation), mais au bout d'un moment elles nous connaissent et sont plus souples.

[L'Altiste]

Je me retrouve dans le premier post.

Je joue régulièrement dans la rue piétonne à Caen (je ne sors pas depuis plus d'un mois à cause de la préparation d'un spectacle de fin d 'année qui me bouffe mes samedis mais aux vacances de Noël je remettrai le nez dehors). J'aime beaucoup, je me fais un peu d'argent de poche, je fais des rencontres. J'habite en appartement et jouer dans la rue ça permet de travailler l'instrument, le souffle, l'endurance, sans déranger mon épouse qui bosse à domicile. J'aime jouer, je suis heureux quand ça sonne bien et que du public regarde et apprécie, j'aime écouter les musiciens de rue et je trouve que jouer dehors c'est rendre la rue plus jolie.

Je joue "La reine des neiges" (pour les filles) ou "Petit ours brun" (pour les garçons) aux petits enfants, quand j'en voit passer, ils écoutent et sont contents, ensuite je leur demande ce qu'ils veulent. Et c'est vrai que voir son sourire quand on joue c'est chouette (le nombre de trucs que je n'avais jamais joué... et tu te dis "bon, allez, 3, 4, je me lance...").

Je croise des clarinettistes, on papote un peu autour de l'instrument, parfois des ados qui débutent, ou des enfants qui voudraient commencer, ou des adultes qui ont quelques années de Conservatoire derrière eux.

Niveau maréchaussée, ils ne nous disent strictement rien, que je soit seul ou avec des potes (à la clarinette je joue tout seul), ils passent et continuent leur ronde comme si de rien n'était. Juste une fois j'ai arrêté de jouer en voyant arriver deux policiers à cheval pour ne pas effrayer les animaux, ils m'ont remercié. Les commerçants ne sont pas contre la musique dans la rue, ça anime le centre ville. Par contre à Caen faut arriver de bonne heure, il y a plusieurs mendiants et musiciens, les derniers arrivés dans la journée respectent les coins de rue déjà occupés.

Y'a de bons moments, comme il y a deux mois cette dame complètement bourrée qui soutenait que je jouais du hautbois, et après mon explication, et voyant que son mari (un peu moins fait) lui disait qu'elle s'était trompée, je me suis vu gratifié d'un : "C'est un hautbois p'tit con !" lorsque d'un pas chancelant elle s'en est allée...

Ça fait aussi du bien de voir les gens s'arrêter vraiment pour écouter la musique et venir dire un petit mot à la fin ! Dans un esprit nettement moins glamour, il y a l'inévitable retraité qui te bassine plusieurs minutes : "Moi aussi j'étais musicien, je jouais ceci ou cela, j'ai arrêté" et patati et patata, toi tu ne joues plus, pendant ce temps-là les gens passent, et à la fin le mec se barre sans laisser de pièce. En soi c'est pas la fin du monde mais ça a le don de me gonfler.

Dernière remarque : ne pouvant donner des sous à tout le monde en faisant la charité, et devant faire un choix, j'ai décidé il y a plus de 20 ans que je donnerai toujours quelque chose aux musiciens ou aux artistes de rue.

[edp]

Tiens je trouve le sujet intéressant, et cela me fait réfléchir à cette approche qu'on les musiciens du jeu dans la rue.

Moi j'ai toujours considéré en tant que public (et aussi plus récemment en tant que musicien d'harmonie qui anime de temps à autre les parcs) que le musicien était là avant tout pour le plaisir du partage et éventuellement se faire connaître. Les descriptions de visages émerveillés, des mots sympathiques que je vous recevez, je le conçois parfaitement et c'est comme cela que je vois cette activité. D'ailleurs je leur accorde très souvent un sourire, ou un petit mot entre deux morceaux. Avoir avec soi une carte ou un mail pour se faire connaître, voire un cd à vendre c'est aussi très sympathique, une fois un groupe des Andes qui jouait très bien n'avait rien de tel et je l'ai regretté.

En revanche, je n'ai jamais associé cette activité au fait que les personnes souhaitaient recevoir de l'argent, bien qu'un chapeau soit par terre, ce qui pour moi relève de la mendicité plus que de la musique. Et c'est un fait, les deux seules fois où j'ai donné une pièce à un musicien, c'était un musicien qui faisait la manche dans le métro, et les deux se débrouillaient pas mal du tout sur des instrus qu'on voit un peu moins que d'autres (une fois, une clarinette d'ailleurs), et ils ont fait l'effort de ne pas jouer que les tubes que ceux qui mendient jouent habituellement.

Comme vous le signalez, être musicien de rue signifie d'une certaine manière imposer aux autres quelque chose qu'ils ne souhaitent pas nécessairement ; du fait cela ne me paraît pas normal d'attendre qq chose en retour, autre qu'un merci, un sourire, un contact ... Si je suis le premier à regretter d'en voir moins en France qu'en Europe centrale par exemple, j'ai aussi été le premier à être ravi de voir un jour un groupe de hard rock dont la musique gueulait place St Michel se faire expulser par la police ...

[Himred]

EN parlant des forces de l'ordre, hier il y en a un qui nous a dit:

"Dégagez d'ici ! Si je vous revois dans 5 minutes, je confisque vos instruments."

Sympa.

Himred

[Arouan]

Oui c'est plutôt pitoyable... C'est le côté vivant de la culture qui devrait être apprécié et encouragé par les villes et leur service culturel...et donc toléré par les polices municipales. Après comme le dis edp mettre un chapeau par terre s'apparente a de la mendicité contre laquelle luttent les municipaux. Je n'ai joué que quelques fois dehors lors des manifestations précises et sans tirelire et nous n'avons encore jamais été enquiquine par un zélote... Le jour ou ça arrive je pense que j'écris à la mairie pour le principe.

[Dim]

Je fonctionne à l'inverse d'edp, je donne dès que là personne devant son chapeau FAIT quelque chose, n'importe quoi, de la musique, de la jongle, de la magie, du dessin...(et que j'ai de la monnaie bien sur), parfois j'ai même pas le temps de m'arrêter pour écouter ou regarder, mais je participe pour encourager le principe de FAIRE quelque chose, du coup ce n'est plus de la mendicité, c'est un échange.

Quand je joue de la musique dans la rue, je ne suis pas un mendiant, je bosse, j'ai un salaire à coté, mais je trouve normal qu'il y ai cet échange.

Sinon voir la maréchaussée confisquer les instruments de tout un groupe et se dépêtrer avec une grosse caisse, un tuba basse ou ce genre de chose, ça doit être tellement drôle à regarder que ça en vaudrait presque la peine.

Tiens, ça me donne envie d'écouter ça :

[iblix]

Je suis assez d'accord pour dire que si la personne fait quelque chose, ce n'est pas vraiment de la mendicité. Disons que si je donne quelque chose à un mendiant c'est pour aider quelqu'un qui est dans la mouise, si je donne des sous à un musicien c'est pour le remercier de sa musique, c'est pas pareil et je pense que dans l'ensemble les passants le vivent tout à fait différemment.

Comme vous le signalez, être musicien de rue signifie d'une certaine manière imposer aux autres quelque chose qu'ils ne souhaitent pas nécessairement ; du fait cela ne me paraît pas normal d'attendre qq chose en retour, autre qu'un merci, un sourire, un contact ...

Le truc c'est qu'on est tout à fait libre de donner quelque chose ou pas, du coup ça ne me choque pas.
Je pense que quelque part un équilibre se fait, si les musiciens font plaisir ils recevront plus de sous et reviendront et si ça ne plaît pas ils ne recevront rien, voire se feront virer.

Je ne l'ai fait que quelques fois mais je trouve que c'est un super exercice, justement, d'essayer de conquérir un public qui n'est pas là pour ça à la base.

[jp]

De toute façon ça n'a rien à voir avec de la mendicité. Un mendiant en a besoin pour bouffer, un musicien pour boire .
Et si un jour je refais la manche dans la rue, j'espère qu'on ne me donnera jamais d'argent par pitié.
jp

[edp]

Avant hier, j étais assez crevé et j avais pas mal de transport ... J ai eu le droit à 3 accordéonistes successivement dans le métro ... J avoue au troisième j ai eu une mauvaise pensée : mon Dieu, faites que son instrument explose ....

Sinon merci pour le boris Vian dont je suis un admirateur !

[iblix]

La musique de rue, j'aime bien, la musique de métro, où on est carrément un public enfermé, c'est autre chose. J'avoue que c'est très rare que ça me fasse plaisir !

[Clapat]

Et si un jour je refais la manche dans la rue, j'espère qu'on ne me donnera jamais d'argent par pitié.
jp

Eh bien ça dépend. Tu as des gens qui seraient capable de te demander : "Et quel est votre vrai métier au juste ?"

Si tu leur réponds que tu es prof de clarinette fonctionnaire : "Ah ! Vous vous amusez pendant que les autres travaillent ! Et avec nos impôts en plus !"

[edp]

Si tu leur réponds que tu es prof de clarinette fonctionnaire : "Ah ! Vous vous amusez pendant que les autres travaillent ! Et avec nos impôts en plus !"

[Arouan]

Je suis assez d'accord pour dire que si la personne fait quelque chose, ce n'est pas vraiment de la mendicité. Disons que si je donne quelque chose à un mendiant c'est pour aider quelqu'un qui est dans la mouise, si je donne des sous à un musicien c'est pour le remercier de sa musique, c'est pas pareil et je pense que dans l'ensemble les passants le vivent tout à fait différemment.

Je ne suis pas sûr que tout le monde le vive différemment de la mendicité. Je prends l'exemple de mon fils qui m'a demandé très fort (beaucoup trop fort) il n'y a pas longtemps devant un groupe de musiciens si c'était des pauvres et pourquoi ils avaient pas de maison pour jouer... Dans mon entourage il y a certaines personnes qui n'aiment pas du tout les "saltimbanques" de rue juste par principe qu'il faut que la rue reste un endroit neutre... Enfin dans le métro (pas dans les rames de métro) les musiciens ont une autorisation de la RATP, ça ne les empêche pas non plus de se faire emmerder par des passants qui n'apprécient pas qu'on leur casse les oreilles alors que la musique dans leur casque est vachement mieux.

Maintenant que j'y repense quand nous avons joué nous avons systématiquement demandé l'autorisation de la mairie mais il suffit qu'un habitant mal luné appelle les flics pour tapage diurne et je paris qu'on se ferait sortir plus ou moins poliment.