Publié : 13 mai 2013, 12:56
Ce sujet soulève des questions et réflexions très intéressantes.
Me rappelle une conversation que j'ai eu pas plus tard qu'hier soir, en rentrant de festival en compagnie de deux musiciennes... Nous avions, à nous trois, des goûts musicaux à la fois très proches et très éloignés... disons des points communs et des poches de rupture.
Nous nous sommes posé cette simple question: "pourquoi?"
-J'aime le jazz depuis que j'ai 18, 19 ans. Environ. Avant que je commence la musique et la clarinette. Mais je pense que c'est parce que mes parents berçaient la maison avec John Coltrane, Miles Davis, Louis Sclavis, John Surman, Galliano, Nougaro... ça avait quelque chose de "familier", même si je ne connaissais rien à la musique d'un point de vue théorique: ça me touchait. Et putain, en voyant Galliano hier soir dans cette petite salle, ça a remué des choses hyper intimes, j'étais au bord des larmes.
-Moi c'est pareil... et c'est l'inverse. J'ai également été bercée par ça. Mais j'ai eu trop de conflits avec mon père au sujet de ces goûts musicaux... je n'arrive pas à aimer le jazz. Et puis d'abord, Galliano, je l'ai jamais considéré comme un musicien de jazz. C'est marrant.
-Et moi, j'adore le jazz. Pourtant, on ne m'a fait écouter que du flamenco durant toute mon enfance.
-Mais tu sais, ça me rassure que t'apprécies autant Galliano que moi. Je commençais à croire que nous n'avions AUCUN goût en commun. En matière de musique. Et je m'interrogeais donc sur le pourquoi de notre trio...
-Avec ce que vous racontez, j'imagine que le rock, le punk, l'électro, ça vous a jamais trop branchées....
-Moi le rock, le punk, non, ça m'a jamais touché, mais l'électro si, j'avais des copines qui en écoutaient...
-Ah moi l'électro bêêêêrk.... j'ai essayé pourtant, j'ai un pote qui en fait, et qui me demande tout le temps mon avis, mais rien à faire je ne peux pas... le rock et le punk... bof, je trouve ça trop binaire, ça m'ennuie vite. Et les instruments ne m'ont jamais transportée.
-Oh putain, la musique irlandaise j'aime pas ça du tout.
-Moi non plus.
-Moi non plus. Pourtant, j'ai essayé de m'y intéresser. J'en ai écouté, tout ça... mais rien à faire, je n'accroche pas.
-Le trad, au début;, ça ne me parlait pas du tout. J'ai découvert le trad poitevin d'abord. Rien à faire. Ces mélodies qui se répètent. Qui sont tellement "attendues". Et puis j'ai appris à aimer. En dansant. J'ai découvert une autre dimension de la musique. Qui ne se résumait plus à l'harmonie et au rythme. J'ai découvert les ornementations et les à-côté, la cadence. Le style. Depuis, il y a beaucoup de choses que j'adorais avant et que j'apprécie moins maintenant. Notamment dans le jazz, où je trouve que cette idée de groove est parfois bâclée. Le groupe de vendredi par exemple. Ce trio bulgare qui faisait du jazz...
J'ai adoré, harmoniquement, techniquement, mais il me manquait le groove bulgare, dans les citations qu'ils en faisaient....
Je m'arrête là, je ne vais pas retranscrire toute la conversation.
Toujours est-il que l'appréciation d'une musique peut prendre des origines aussi diverses que variées, aussi intimes qu'intellectuelles. On peut analyser... mais des fois, ça ne s'explique pas.
Sans doute j'apprécie la musique bulgare aujourd'hui parce qu'à l'âge de deux-trois ans, j'avais une cassette du Mystère des Voix bulgares que j'écoutais en boucle... Mais qu'est-ce qui explique qu'à ce même âge, alors que je jouais tranquillement à côté de mon papi qui écoutait la radio, au moment où ces voix bulgares ont commencé leur concert, j'ai littéralement bloqué dessus, arrêtant si magnifiquement mon activité que mon grand-père a aussitôt enregistré le concert suscité sur une cassette audio?
On ne peut pas réduire l'appréciation d'un style musical à sa découverte culturel... même si celle-ci aide probablement les réfractaires à un style musical.
Mais il y a d'autres ponts.
Je suis d'accord avec Eric, avec Jp, mais aussi avec Dim.
Je trouve qu'on réduit trop souvent l'art à l'éducation culturelle... et on en oublie trop sa fonction sociale.
Je ne me permettrai pas de dire ce qui va suivre au sujet de la musique, ne connaissant pas assez le domaine.
Mais franchement, le théâtre contemporain, la plupart du temps, ça me pose problème. Parce qu'il se réduit en effet à un élitisme culturel... pour ce qui est de sa fonction sociale. Elle n'est pas nulle, mais je ne la trouve guère vertueuse, laissant trop souvent les initiés entre eux. Le TNP de Jean Vilar est mort depuis longtemps. Les scènes publiques ne sont plus du tout dans une démarche d'éducation populaire. Certaines régions ont des budgets pour amener le théâtre à l'école, et éduquer autour de celui-ci, mais ce n'est malheureusement pas la majorité...
Maintenant pourquoi je vais à un spectacle? Je ne cherche plus la qualité artistique d'une pièce, d'un concert, je cherche une rencontre, avec un musicien, avec des gens, l'émotion collective...
Pourquoi les jeunes préfèrent souvent le rock, l'électro...? Parce que c'est dans ces concerts qu'ils vont rencontrer des gens de leur âge, que les codes permettent de rencontrer des gens PENDANT le concert, on peut parler, on peut danser... c'est AUSSI ça.
Et c'est pour ça que je m'intéresse de plus en plus aux musiques "à danser", car elles sont vecteurs de lien social.
Me rappelle une conversation que j'ai eu pas plus tard qu'hier soir, en rentrant de festival en compagnie de deux musiciennes... Nous avions, à nous trois, des goûts musicaux à la fois très proches et très éloignés... disons des points communs et des poches de rupture.
Nous nous sommes posé cette simple question: "pourquoi?"
-J'aime le jazz depuis que j'ai 18, 19 ans. Environ. Avant que je commence la musique et la clarinette. Mais je pense que c'est parce que mes parents berçaient la maison avec John Coltrane, Miles Davis, Louis Sclavis, John Surman, Galliano, Nougaro... ça avait quelque chose de "familier", même si je ne connaissais rien à la musique d'un point de vue théorique: ça me touchait. Et putain, en voyant Galliano hier soir dans cette petite salle, ça a remué des choses hyper intimes, j'étais au bord des larmes.
-Moi c'est pareil... et c'est l'inverse. J'ai également été bercée par ça. Mais j'ai eu trop de conflits avec mon père au sujet de ces goûts musicaux... je n'arrive pas à aimer le jazz. Et puis d'abord, Galliano, je l'ai jamais considéré comme un musicien de jazz. C'est marrant.
-Et moi, j'adore le jazz. Pourtant, on ne m'a fait écouter que du flamenco durant toute mon enfance.
-Mais tu sais, ça me rassure que t'apprécies autant Galliano que moi. Je commençais à croire que nous n'avions AUCUN goût en commun. En matière de musique. Et je m'interrogeais donc sur le pourquoi de notre trio...
-Avec ce que vous racontez, j'imagine que le rock, le punk, l'électro, ça vous a jamais trop branchées....
-Moi le rock, le punk, non, ça m'a jamais touché, mais l'électro si, j'avais des copines qui en écoutaient...
-Ah moi l'électro bêêêêrk.... j'ai essayé pourtant, j'ai un pote qui en fait, et qui me demande tout le temps mon avis, mais rien à faire je ne peux pas... le rock et le punk... bof, je trouve ça trop binaire, ça m'ennuie vite. Et les instruments ne m'ont jamais transportée.
-Oh putain, la musique irlandaise j'aime pas ça du tout.
-Moi non plus.
-Moi non plus. Pourtant, j'ai essayé de m'y intéresser. J'en ai écouté, tout ça... mais rien à faire, je n'accroche pas.
-Le trad, au début;, ça ne me parlait pas du tout. J'ai découvert le trad poitevin d'abord. Rien à faire. Ces mélodies qui se répètent. Qui sont tellement "attendues". Et puis j'ai appris à aimer. En dansant. J'ai découvert une autre dimension de la musique. Qui ne se résumait plus à l'harmonie et au rythme. J'ai découvert les ornementations et les à-côté, la cadence. Le style. Depuis, il y a beaucoup de choses que j'adorais avant et que j'apprécie moins maintenant. Notamment dans le jazz, où je trouve que cette idée de groove est parfois bâclée. Le groupe de vendredi par exemple. Ce trio bulgare qui faisait du jazz...
J'ai adoré, harmoniquement, techniquement, mais il me manquait le groove bulgare, dans les citations qu'ils en faisaient....
Je m'arrête là, je ne vais pas retranscrire toute la conversation.
Toujours est-il que l'appréciation d'une musique peut prendre des origines aussi diverses que variées, aussi intimes qu'intellectuelles. On peut analyser... mais des fois, ça ne s'explique pas.
Sans doute j'apprécie la musique bulgare aujourd'hui parce qu'à l'âge de deux-trois ans, j'avais une cassette du Mystère des Voix bulgares que j'écoutais en boucle... Mais qu'est-ce qui explique qu'à ce même âge, alors que je jouais tranquillement à côté de mon papi qui écoutait la radio, au moment où ces voix bulgares ont commencé leur concert, j'ai littéralement bloqué dessus, arrêtant si magnifiquement mon activité que mon grand-père a aussitôt enregistré le concert suscité sur une cassette audio?
On ne peut pas réduire l'appréciation d'un style musical à sa découverte culturel... même si celle-ci aide probablement les réfractaires à un style musical.
Mais il y a d'autres ponts.
Je suis d'accord avec Eric, avec Jp, mais aussi avec Dim.
Je trouve qu'on réduit trop souvent l'art à l'éducation culturelle... et on en oublie trop sa fonction sociale.
Je ne me permettrai pas de dire ce qui va suivre au sujet de la musique, ne connaissant pas assez le domaine.
Mais franchement, le théâtre contemporain, la plupart du temps, ça me pose problème. Parce qu'il se réduit en effet à un élitisme culturel... pour ce qui est de sa fonction sociale. Elle n'est pas nulle, mais je ne la trouve guère vertueuse, laissant trop souvent les initiés entre eux. Le TNP de Jean Vilar est mort depuis longtemps. Les scènes publiques ne sont plus du tout dans une démarche d'éducation populaire. Certaines régions ont des budgets pour amener le théâtre à l'école, et éduquer autour de celui-ci, mais ce n'est malheureusement pas la majorité...
Maintenant pourquoi je vais à un spectacle? Je ne cherche plus la qualité artistique d'une pièce, d'un concert, je cherche une rencontre, avec un musicien, avec des gens, l'émotion collective...
Pourquoi les jeunes préfèrent souvent le rock, l'électro...? Parce que c'est dans ces concerts qu'ils vont rencontrer des gens de leur âge, que les codes permettent de rencontrer des gens PENDANT le concert, on peut parler, on peut danser... c'est AUSSI ça.
Et c'est pour ça que je m'intéresse de plus en plus aux musiques "à danser", car elles sont vecteurs de lien social.