Je suis allé hier écouter Louis Sclavis avec le pianiste Benjamin Moussay et le guitariste Gilles Coronado. Le descriptif était alléchant
Et pourtant je me suis copieusement ennuyé 80 % du temps (mais au moins je suis resté jusqu'au bout alors que d'autres ont lâchement quitté la salle au bout de 20 mn).Instrumentiste d'exception, virtuose de la clarinette basse, compositeur raffiné et prolixe, Louis Sclavis, boulimique d'aventures musicales sans frontières, s'entoure cette fois d'un trio singulier avec deux des « quadras » les plus en vue du jazz hexagonal. Benjamin Moussay, pianiste subtil et grand architecte sonore, plante le décor, Gilles Coronado, guitariste inventif, amène le piment nécessaire et les trois acolytes avec chacun leur jeu, leur regard et leur personnalité se confondent dans une osmose musicale et nous embarquent avec une énergie communicative pour une sorte de voyage onirique à l'extraordinaire puissance poétique. L'émotion est là, subtile mais forte et dense.
Ce n'est pas une question de technique, visiblement Sclavis maîtrise superbement ses clarinettes, de son, il est aussi superbe (du moins quand il ne se lance pas dans des effets sonores bizarres) mais vraiment de musique : ça ne me parle pas, je n'y comprends rien, il n'y a le plus souvent pas de ligne mélodique pour se raccrocher (sauf dans les 20 % que j'ai bien aimés), et même très souvent j'ai l'impression que les trois musiciens jouent chacun de leur côté sans s'occuper des deux autres.
Ce n'est pas la première fois que j'ai ce sentiment dans des concerts de Jazz sous les Pommiers, j'essaie de parfaire ma culture et donc d'écouter un peu de tout, mais j'ai vraiment du mal à accrocher.
J'ai eu exactement le même ressenti avec Portal il y a deux ans, un peu le même en moins marqué tout de même avec Denis Collin il y a trois ans, et avec d'autres plus ou moins célèbres.
Dans un autre sujet, Dim a écrit :
Et bien c'est ça, je ne ressens rien, je ne comprends pas d'où on vient, on on va, pourquoi comme ci et pas comme ça, j'entends du bruit, pas d'émotion ni de beauté.Dim a écrit :Portal, j'adore ce musicien, encore une fois je me fous de savoir si ce qu'il joue c'est du jazz, du jazz*, de la polka-piquée ou de la lambada, j'aime sa musicalité et ses impros me font font dresser les poils, pas tout son travail, mais pas mal de trucs, je n'ai aucun souci avec son timbre.
J'ai plus l'impression d'une musique trop intellectuelle pour moi, faite par des gens qui ont parfaitement intégré l'harmonie modale, tonale, et extraterrestre, et qui en font une construction probablement intellectuellement superbe, mais réservée à une élite.
Il y a quand même au moins un truc que je sais que je déteste, et que je continuerai à détester, ce sont les longs passages en quadruples croches enchaînées à toute vitesse dans tous les sens (héritage de be-bop ?) et non, ce n'est pas uniquement parce que je sais que je ne serai jamais capable d'en faire autant.
Et pour parler du concert d'hier soir, je suis toujours un peu surpris de voir un pianiste qui dodeline de la tête comme un autiste psychotique et un guitariste qui lève subitement les jambes comme si un serpent l'avait mordu. On a vraiment l'impression qu'ils sont partis très loin et qu'ils ont fumé la moquette
Ça m'embête bien parce je sens que je loupe des choses. Qu'est-ce qu'il me manque pour apprécier ? de la culture ? de la théorie ? de l'oreille ? l'habitude ? c'est d'avoir été élevé musicalement dans le classique ? suis-je un attardé irrécupérable ?
Quand je me ballade dans le festival et que j'écoute les nombreux groupes amateurs qui s'y produisent comme nous, je n'ai pas cette impression. J'aime, je n'aime pas, c'est bon ou mauvais, mais je comprends au moins pourquoi j'ai une opinion. Mais le plus souvent ils en sont restés comme moi à la base : un thème, une exposition, des variations, des impros (ou non), mais toujours sur une ligne mélodique ou tonale facile à comprendre.
Dans le même ordre d'idée, je suis très triste que le sujet sur les échanges intermodaux soit resté en rade. J'y retrouvais un peu les mêmes questions, le morceau qu'EricW nous a fait me laisse sur ma faim, je n'y entends pas de ligne directrice (mais il faut reconnaître qu'il y a au moins une ligne mélodique), j'ai l'impression que ça part dans tous les sens, comme moi quand il faut que je me lance et que je ne sais vraiment pas quoi dire ni comment le dire. Alors que je suis sûr qu'il y a là-dedans une grande profondeur de réflexion.
Alors s'il vous plaît, vous qui SAVEZ, éclairez ma lanterne !